Moi, vous détester? Jamais. [Philos]

Je regardai la jeune fille qui venait d'entrer dans mon bureau. Lorsqu'elle me dit que je ne la reconnaîtrais sans doute pas, j'eus un sourire. Je me souvenais de chaque visage, de chaque élève. Le sien aussi je le connaissais ... Rosalee. Quelles étaient les causes de sa colère ? L'attaque, encore, ma plus grande erreur sur laquelle tout le monde prenait plaisir à danser, comme une occasion de m'envoyer plus loin dans mon malheur que je ne l'étais déjà.

- Bien sûr que si.

Je la regardai tristement, fermai les yeux dans un soupir.

- Je t'écoute.

Je l'écoutai sans ciller, mes yeux perdant en lumière au fur et à mesure de ses invectives. Tout ce qu'elle me disait me blessait, me blessait parce que j'avais tenté de leur dire de partir, j'avais tout fait pour les empêcher de se battre ...
Mon cœur manqua un battement douloureux lorsqu'elle prononça les mots "chair à canon".
J'avais pourtant tout fait pour qu'ils soient en sécurité ... C'était tellement injuste ... Je serrai ma chemise au niveau du cœur, tendu.
Laisse moi foutre une baffe à cette sale gamine. Tu te rends compte qu'elle n'a aucune considération pour ce que tu as tenté de faire ?! Elle n'avait qu'à rentrer foutre son c*l bien au chaud chez ses parents, elle le pouvait ! gronda l'autre. Quant à Wyatt, son ami, il était un des premiers à crier qu'il refuserait de partir ! Tu n'es pas responsable de leurs erreurs, Hikaru, ne te laisse pas faire !
Je comprends son point de vue. J'aurais pu, j'aurais dû éviter ça. J'aurais dû les forcer à partir, j'aurais dû rester seul à assumer mes erreurs ... Je n'aurais pas dû leur laisser le choix. Je n'avais pas le droit de leur laisser le choix de se battre... je suis un monstre ... je dois en assumer les conséquences.

Je relevai la tête vers Rosalee. Ma main se détendit petit à petit avant de retomber.

- ... Vous aviez le choix ... dis-je avec tristesse. Si ça n'avait tenu qu'à moi, je vous aurai forcés à quitter l'île. Mais ... la plupart n'ont pas voulu partir.

Je marquai une pause.

- Je me souviens ... du visage de Wyatt lorsque j'ai proposé de partir. Il était dans ceux qui ont refusé. Il en voulait pas abandonner Terrae... comme Kay. Comme Usagi, qui parlaient de leur maison ...

Je détournai le regard, me mordant la lèvre inférieure douloureusement.

- J'aurais tellement voulu que vous partiez tous pour ne pas à voir ce qui allait arriver ...

Je la regardai quelques instants avant de pousser un long soupir. Comment tout cela avait commencé ?...

- C'est ... Une très longue histoire, commençai-je. Une très longue histoire qui t'ennuierait certainement. Je regrette cependant d'avoir impliqué Terrae dedans ... Tout ça à cause de mes erreurs.

Alia ... Mon cœur se serra dans ma poitrine, et, comme par réflexe, un léger sourire vint se peindre sur mes lèvres, masque habituel qui savait détourner avec efficacité les questions gênantes. Je regardai de nouveau Rosalee dans les yeux.

- Pour ce qui est de Wyatt ... Porter la mort est un lourd fardeau dont on ne peut se détacher. Tuer marque une âme à jamais, cependant ... Je pourrai, si tu le souhaites, au moins guérir ses plaies au cou pour éviter qu'il ne fasse de bêtise. C'est hélas la seule chose que je puisse faire pour te soulager un tant soit peu de ton inquiétude et de sa douleur....

Je lui souris doucement. Je tentais de détourner l'attention de ce pour quoi elle était entrée. Mais quelque chose me disait -sans doute la couleur de son uniforme- qu'elle refuserait de lâcher l'affaire ...

Je la regardai quelques secondes, impénétrable.

- Puisque tu insistes. Je te serai cependant gré de ne pas divulguer ces informations.

Mon regard se posa par delà la fenêtre, sur la neige qui tombait paresseusement en lourds flocons blancs.

- Mon histoire est, en temps que directeur, assez liée à cet endroit. J'ai été le premier à recevoir l'Appel, et ai dû y faire face seul, effectuer une Initiation en "solo". Mais bien vite, deux autres personnes sont arrivées. La première fut celui qui allait devenir mon meilleur ami, Zane. Puis, ensemble, nous entendîmes l'Appel d'Alia, une jeune femme qui allait compléter notre trio. Nous étions les trois premiers, et nous étions extrêmement puissants. Peut être as-tu entendu parler des ... "Originels", dans des livres de la bibliothèque, ou dans la bouche des Masters, surtout après ce qu'il s'est passé... C'était nous trois.

J'eus un léger sourire un peu amer.

- Nous avons fondé Terrae tous les trois. J'en étais le directeur, cr le premier, mais Zane et Alia étaient pour moi mes égaux, et cette période de création fut un des plus beaux moments de ma vie. Mais tu sais bien que les tragédies se finissent mal... Zane et moi étions amoureux de cette jeune femme, pour ma part au point d'en devenir fou. Mais un jour, Alia est morte assassinée sous mes yeux. J'ai tenté de la soigner, tenté de la ramener à la vie mais ... Aussi grand que fut mon pouvoir de guérison, elle est partie avec un dernier sourire.

Je serrai les poings sous la table, le regard perdu.

- Zane crut que j'étais le responsable. Nous nous sommes affrontés ... Et je l'ai tué. Tout du moins c'est ce que je pensais. J'ai réussi à garder Alia enfermée dans un cristal, permettant à son corps de rester parfaitement intact. Mais Zane est revenu, à la tête de la section d'action d'une Organisation qui est à l'heure actuelle notre premier ennemi. Ne te méprends pas, Zane n'a jamais voulu envoyer des innocents au combat. Il a juste profité de cette occasion pour revenir à Terrae ... Pour me forcer à faire revivre Alia, conclus-je, sombre.

Je n'ajoutai rien, regardant les flocons tomber doucement.

- Voilà à cause de quoi Terrae a été mis en danger. A cause de la faiblesse d'un homme qui n'a pas été capable de tuer son meilleur ami pour sauver l'œuvre de sa vie...

J'avais omis quelques... détails. Mais elle en savait déjà beaucoup trop...

Je la regardai en lui adressant un petit sourire.
Oh si des erreurs j'en ai fait. Mais disons que si tu étais au courant tu prendrais tes jambes à ton cou, ne serais-ce qu'à l'idée de te retrouver dans la même pièce qu'un meurtrier aussi ignoble que moi.
Euh, le mélo se la boucle là. A la base c'est moi qui l'ai tuée, hein. On avait dit qu'on me faisait porter le chapeau. Arrête de culpabiliser trois secondes et réponds à la demoiselle.
... Tu es désespérant.
Si je ne l'étais pas je ne te servirais pas à grand chose.

- Une jeune femme ... Qui fut l'élève de Zane et qui en a toujours été amoureuse a voulu donner son âme pour l'implanter dans le corps d'Alia. Elle était gravement malade ... Donc elle est née de nouveau, en quelque sorte. Et comme ça Zane retrouve dans la nouvelle Alia tout ce qu'il avait aimé chez Electra, son élève... Comme si il vivait avec les deux femmes de sa vie qui n'en sont désormais plus qu'une. Comme quoi c'est un joli happy end, achevai-je avec un petit sourire. Tu pourrais les croiser à l'occasion tu sais. Une très belle femme rousse aux yeux verts émeraude, et un homme aux cheveux noirs et aux yeux gris acier. Rien que leur aura est écrasante, ris-je avec douceur.

Happy end, mon oeil ouais. Dans l'histoire t'es le paumé qui reste à l'arrière. Enfin, faut dire que tu t'es pas foulé pour essayer de vivre non plus.
Dans l'histoire, la seule personne qui est morte c'était la Alia que j'aimais. Il n'y a que l'âme de cette femme, celle qui a fait toute ma vie qui est partie ... Alors excuse moi de faire mon deuil.
... Tu marques un point. Mais t'es un sacré imbécile.
Un homme amoureux pourrait faire office de bon synonyme.
Pas faux.

- Je suis cependant ... mortifié d'avoir dû impliquer les élèves dans cette querelle, m'excusai-je encore une fois. C'est pour cela que je ne cesse de faire des allers-retours à l'infirmerie pour proposer mon aide ... Mais je ne peux hélas m'occuper de tout l'Institut, bien que ce ne soit pas l'envie qui m'en manque, soupirai-je.

Je la retins de mes mots, avant que sa silhouette ne disparaisse de mon bureau.

- Tu sais ... Tes excuses et le fait que tu aies cherché à me comprendre sans me juger ... C'est bien suffisant. Je prends ça comme compensation, dis-je avec un léger sourire.

Je la regardai quelques secondes, avant d'ajouter :

- Et puis... Alia, le soir où elle a été ... assassinée ... venait me voir pour m'annoncer qu'elle était amoureuse de Zane. Mais au moment où elle rendait son dernier soupir, dans mes bras, je ...

Je me mis à chuchoter, le regard dans le vague, les yeux emplis d'une tristesse sourde.

- J'ai cru lire sur ses lèvres ... J'ai cru lire dans ses yeux ... Les mots que j'avais attendu... Mais ... C'est l'âme de celle que j'ai aimé qui s'est éteinte ce jour là.

Je relevai la tête pour regarder la neige, cette neige qu'elle aimait tant autrefois. Je fis l'erreur de me demander si elle l'aimait encore, cette neige si blanche et si pure, pensée qui me déchira le cœur.

- Je pense qu'elle veille sur cet endroit, malgré tout. Qu'elle nous observe de loin, qu'elle protège cet endroit qui lui était si cher ... Je pense qu'elle est heureuse maintenant.

J'eus un autre petit sourire.

- Au revoir Rosalee. Tout ce que je te demanderai sera ton silence. Ces informations ... Me sont trop chère pour que je permette qu'elles se divulguent dans l'Institut ... Elles mettraient en danger la vie de mes amis.

Je la suivis du regard tandis qu'elle partait. Alors que la porte claquait, j'enfonçais ma tête dans l'étau de mes bras, mes mains se serrant douloureusement dans mes cheveux. Je me mordis la lèvre inférieure pour ne pas me mettre à pleurer. Les souvenirs avaient été tellement difficiles à refouler ...

Je finis par me calmer, respirant longuement, tandis que ces douces images rentraient de nouveau dans le trou béant que j'avais à la poitrine. Au bout de longues minutes, mes mains se desserrèrent sur leur prise nerveuse. Je calai mon dos contre mon siège, les yeux clos, la respiration saccadée.

Alia, quand cesseras-tu de hanter ce qu'il reste de moi ?...

[personnellement, j'ai trouvé la longueur de tes posts très bien, ne stresse pas c'est parfait ^^ ]